Aux galopades de Jim,
dans le Nord-Michigan
Je suis allé affronter mes fantômes
au paradis des buveurs de nuit
J’ai taillé le bout de gras
avec un fan de bouddhisme Zen
Il avait pris perpète dans une vie antérieure
Un jour il en a eu marre de sa femme
Elle lui reprochait toujours des trucs
Je lui ai demandé des précisions
mais il était dans le flou
Je lui ai dit qu’il pouvait toujours lui faire des reproches
c’était peut-être la bonne combinaison
Il a ouvert les yeux si grands qu’on pouvait y rentrer deux saucisses
Un chemin tortueux, il a dit, impossible
Il pouvait pas se lancer dans cette aventure sans boire
du Bordeaux 61, accompagné d’une saignante côte de bœuf
et avec ce régime, il mettrait pas longtemps
à se cramer la panse.
Puis il m’a dit que son ombre avait disparu
C’était pas croyable
Du matin au soir, pas d’ombre
Ni dans le jour, ni dans l’obscurité
Il la recherchait sans cesse
Alors il est parti bourlinguer
jusqu’au pays des Sutras
Je lui ai dit :
Entre ta femme, ton ombre et le Bouddha
ta vie est bien remplie.
Alors il a voulu rentrer dans les ordres
et chercher le bout du bout du Bodhisattva
mais il a fini célibataire avec un chat
Moi je ne cherche pas le Bouddha
Moi je
Moi je
Moi j’aime m’enfoncer tout seul dans les grands espaces
parcourir les forêts du Nord Michigan
J’aime la forêt, le courant de la rivière et l’odeur de la pluie
Dans ce monde, il y a trop de moi, m’a dit l’apprenti bouddhiste,
trop de pronoms analytiques et de névroses adverbiales
Au final je voyais devant mes pupilles
un homme à la recherche de son ombre
Je me disais :
Peut-être que ça lui ferait du bien
de revenir au stade anal.
C’est dans une vieille cabane que j’ai vu la comète
celle qui allait mettre fin aux religions
Le lendemain, j’ai eu des visions
j’ai rencontré un coach mental
Dans une ancienne vie, c’était un trader
qui brassait des dollars en haut du World Trade Center
Un jour qu’il mangeait des huîtres dans un hôtel
il a vu les tours s’effondrer
Pour lui, le monde s’enfonçait dans le Chaos
Il s’est précipité dans un bar pour boire un bon Margaux
Le coach mental m’a aussi raconté l’histoire
d’un autre coach mental
qui mélangeait les dauphins, Sirius, le new age et la psytrance
Il a essayé de changer la vie des gens jusqu’au moment
où il a chopé le SARS-CoV-2
Au final, il a surtout changé la sienne
avant de tirer sa révérence
Mais ça c’est ce que pense mon cerveau gauche.
Le premier coach mental, il m’a dit :
Je suis pas comme tout le monde
j’ai pas un cerveau droit et un cerveau gauche
J’ai deux cerveaux droits
Je ressens bien les choses
Il m’a dit, se resservant un verre de Chardonnay
les attrape-rêves, c’est has been
Moi je prends les rêves et les cauchemars
Moi je
Moi je
Moi je prends les rêves et les cauchemars
et je les mets dans la machine
la machine à laver les rêves ? Je dis
Non, la machine à rêver d’autres rêves
Je recycle les rêves et les cauchemars
Ils sortent tout propres et bons à être utilisés
comme un bon vieux jean bien serré
Il me disait ça en buvant un autre verre de Chardonnay
et en gobant des pilules de 1200 microgrammes
des pilules pour réguler ma température, dit-il
Tout en répétant que les attrape-rêves,
c’était démodé, c’est démodé, maintenant y’a la machine
la machine qui reprogramme
la grande machine, celle qui recycle les âmes
et qui finira pour nous essorer et nous assécher
Restera que les os, dit-il.
J’ai fini la bouteille de Chardonnay
qui se mélange à mon sang
Je me demande où est mon ombre et mon cerveau
Il ne me reste plus qu’à rêver d’autres rêves
Des rêves dans un monde où les ombres remplacent les machines
Où les machines retournent au stade anal
Où les machines lavent le linge sale mental
Assèchent les esprits les plus purs
C’est l’heure de l’ombre démoniaque
l’Enfer sans les autres, reprogrammable
Je revois la scène avec le coach mental
Il me reçoit chez lui avec un air très aimable
et au moment de lui serrer la main
je vois de grandes pinces de homard à la place de ses mains
Juste avant de démarrer la séance
il me demande si j’ai besoin de passer au water-closet
Alors je préfère m’enfuir encore une fois
pour prendre perpète
au paradis des buveurs de nuit.